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Ovan Gruvan

Co-réalisé avec Lova Karlsson

2022 - Couleur - HD - 13 min 34

"La mine de fer de Kiruna, en Suède, l’une des plus vastes au monde, ronge les sous-sols de la ville. Menacées par les glissements de terrains, certaines habitations imposantes du centre doivent être déplacées d’un bloc, en un lent et majestueux ballet saisi par la caméra de Théo Audoire et Lova Karlsson, cinéastes-architectes d’un paysage urbain en perpétuel mouvement."


Emmanuel Chicon

Texte de présentation à

Visions du Réel 2022

Image : Lova Karlsson, Théo Audoire
Son : Lova Karlsson, Théo Audoire
Montage : Lova Karlsson, Théo Audoire
Montage son : Ange Hubert
Mixage : Ange Hubert
Scénario : Lova Karlsson, Théo Audoire
Etalonnage : Eléna Erhel

 

Avec le soutien du Fresnoy - studio national des arts contemporains

 

Festivals

Festival International Music - Marseilles (2023)
Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand (2023)
Premiers Plans - Angers (2023)
Festival International de court métrage de Louvain (International short film festival Leuven) (2022)

Short film corner / Cannes (2022)

RIFF - Roma Independent Film Festival / Rome (2022)

Uppsala Short film festival / Uppsala (2022)

Festival européen du film court de Brest - Côte Ouest / Brest (2022)

Un festival, c’est trop court / Nice (2022) - Prix Expérience

Vision du Réel / Nyon (2022)

Traces de vie / Clermont Ferrand (2022)

FIPADOC 2023

Fiche production

Prix du Jury Expérience UFCTC 2022 :

OVAN GRUVAN

de Théo Audoire & Lova Karlsson

Nous avons été particulièrement touché·es par un film sensible qui avec soin, franchise et honnêteté parle d'un rapport à un monde complexe, à la fois riche de beautés mais aussi de déceptions et d’inégalités. Pour l'expérience cinématographie intense que ce film nous permet de vivre, pour le travail très soigné de l’image et du montage, dans un espace entre cinéma et architecture, pour le talent de deux jeunes artistes co-réalisateur·ices, nous avons décidé d'attribuer le prix Expérience 2022 à OVAN GRUVAN, (« au-dessus de la mine ») de Théo Audoire & Lova Karlsson.


Le film nous installe pendant 13 min 35 parmi les étendues glacées de la cité de Kiruna, la ville la plus septentrionale de Suède. Il oscille entre ce paysage opalescent qui réverbère les rayons du soleil, et la planche brute d’une maquette qui stabilise et ordonne, pour mieux jouer un ballet d’architecture en plusieurs mouvements. Le choix photographique d’une gamme chromatique neigeuse vient visuellement signifier un contrepoint au gouffre minier qui s’enfonce dans les ténèbres du sol depuis un siècle.


C’est par leurs ombres massives et fantomatiques, et le bruit caractéristique d’un poids lourd s’enfonçant dans la neige fraiche, que sont données à voir des masses indéterminées se déplacer dans la ville, semblant tordre des éléments de mobilier urbain, recomposant la configuration et les espaces de la cité sous le regard de quelques personnes (personnages ?) chaudement emmitouflés.


Se joue alors un jeu de plateau à la touché-coulé, renforcé par la lecture péremptoire de points de coordonnées par des voix hors champ, où le montage de scènes d’intérieur et de bâtiments issus d’une maquette viennent se frotter aux prises du vues du réel. Ce qui se joue dans ce territoire lapon a sans doute aussi débuté dans un bureau d’architecte, où des humains ont arbitrairement tracé des lignes et dessiné des plans à cette échelle miniature, faisant fi de l’implantation autochtone sami plurimillénaire, dont la population indigène d’Europe, la seule, élevait au même endroit ses rennes et continue de se battre pour la préservation de sa culture.

 

Car c’est là donc, à Kiruna, qu’à l'aube du XXe fut érigée cette petite ville lapone, après qu’ait été découvert le premier tronçon de gisement de minerai de fer dans cet environnement a priori hostile à l’installation humaine.


Le rythme que l’on y suit aujourd’hui n’est plus celui des saisons, ni des migrations des rennes, ni du réensemencement naturel des espaces à la fin de (très) longues nuits d’hiver : ce qui cadence quotidiennement la vie à Kiruna depuis 130 ans, ce n’est pas non plus le canon de midi de la colline du château de Nice. Avec la même régularité néanmoins, on entend l’explosion fragmentant la roche chaque nuit à 1h du matin, 365 jours par an, ébranlant les murs et les corps, ces deux formes d’habitats, d’enveloppes, à la fois abri de l’extérieur et zone de contact avec lui.

L’extraction s’est d’abord déployée à ciel ouvert avant de pénétrer depuis 1965 dans les profondeurs de la terre, s’enfonçant transversalement sous les fondations de la ville de façon de plus en plus extensive au fil des avancées technologiques. L’affaissement des sous-sols provoque fissures, craquèlements et autres entailles sur le patrimoine bâti, qui sonnent l’obsolescence programmée de cet ensemble urbain.

Menacée d'effondrement, l’intégralité du centre-ville de Kiruna doit déménager, opération phénoménale initiée en 2013 selon un plan de relocalisation sur 20 ans. Sa gare et ses maisons colorées, ses commerces, son église et l’antique caserne de pompiers sont ainsi progressivement délocalisés, à dos de poids lourds et autres stratagèmes de rails semble-t-il, 3 km plus loin. Une nouvelle étape de grapillement des terres samis et d’empiètement sur le parcours de migration des rennes, espaces naturels affectés à la fois par l’expansion capitaliste d’une industrie minière extractiviste, mais aussi par le changement climatique qui n’en est bien sûr pas décorélé.


Les images de Theo Audoire et de Lova Karlsson captent, documentent ces mouvements, les mettent en scène et en voix chantées, les chorégraphient grâce à la précision du montage. Le rythme des images est aussi aérien et suspendu que la chute de flocons de neige, les points de vue embrassants, perpendiculaires à la verticalité de cette trajectoire. Cette improbable épopée urbaine au ralenti – qui évoque aussi bien la scène mémorable de la maison en fuite, portée collégialement dans le pamphlet-comédie Le Bonheur de Medvedkine, que le geste mégalomaniaque de l’aventure dantesque du Fitzcarraldo de Werner Herzog – nous laisse, elle, une note d’espoir : tout cela serait-il réversible ? Où atterrir ? Comme habiter ?

Que faire, ensemble, de la beauté ?

Membres du Jury Expérience - Claire Migraine, directrice artistique de thankyouforcoming,

et Tsveta Dobreva, membre du comité de direction du FID – Marseille, Octobre 2022.

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